George Berkeley,
Principes de la connaissance humaine (1710)
« Que ni nos pensées, ni nos passions, ni les idées formées par l'imagination n'existent hors de l'esprit, c'est que tout le monde accordera.
Et il semble non moins évident que les diverses sensations ou idées imprimées sur le sens, de quelque manière qu'elles soient mélangées ou combinées ensemble (c'est-à-dire quels que soient les objets qu'elles composent) ne peuvent pas exister autrement que dans l'esprit de quelqu'un qui les perçoit.
Je pense qu'une connaissance intuitive de cela peut être obtenue par quiconque prête attention à ce qu'on entend par le mot exister quand il s'applique aux choses sensibles.
La table sur laquelle j'écris, je dis qu'elle existe : c'est-à-dire je la vois, je la sens ; et si j'étais hors de mon cabinet je dirais qu'elle existe, entendant par-là que si j'étais dans mon cabinet, je pourrais la percevoir, ou que quelque autre intelligence la perçoit effectivement.
Il y avait une odeur, c'est-à-dire : elle était sentie ; il y avait un son : c'est-à-dire, il était entendu ; une couleur ou une figure : elle était perçue par la vue ou le toucher. C'est tout ce que je peux comprendre par ces expressions et autres semblables.
Car, quant à ce qu'on dit de l'existence absolue des choses non pensantes, sans aucune relation avec le fait qu'elles sont perçues, cela semble parfaitement inintelligible. Leur esse [= "être" en latin] est percipi [="être perçu"], et il n'est pas possible qu'elles aient quelque existence en dehors des esprits ou choses pensantes qui les perçoivent. »
George Berkeley, Principes de la connaissance humaine.
Trois dialogues entre Hylas et Philonous (1713)
« Je vois cette cerise, je la touche, je la goûte, je suis sûr que le néant ne peut être vu, touché ou goûté : la cerise est donc réelle.
Enlevez les sensations de souplesse, d’humidité, de rougeur, d’acidité et vous enlevez la cerise, puisqu’elle n’existe pas à part des sensations.
Une cerise, dis-je, n’est rien qu’un assemblage de qualités sensibles et d’idées perçues par divers sens : ces idées sont unies en une seule chose (on leur donne un seul nom) par l’intelligence parce que celle-ci remarque qu’elles s’accompagnent les unes les autres.
Ainsi quand le palais est affecté de telle saveur particulière, la vue est affectée d’une couleur rouge et le toucher d’une rondeur et d’une souplesse, etc. Aussi quand je vois, touche et goûte de ces diverses manières, je suis sûr que la cerise existe, qu’elle est réelle : car, à mon avis, sa réalité n’est rien si on l’abstrait de ces sensations.
Mais si par le mot cerise vous entendez une nature inconnue, distincte, quelque chose de distinct de la perception qu’on en a, alors certes, je le déclare, ni vous, ni moi, ni aucun homme, nous ne pouvons être sûrs de son existence. »
George Berkeley, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, troisième dialogue.
Philosophie perception
<<< Berkeley esse est percipi